Deumilvin

 

 

Février

On bat les records de silence par ici. J'ai tellement de choses à raconter, et en même temps rien à vous dire. Le quotidien est bien rempli, le temps passe très vite. Tiens, 1 an et 5 mois aujourd'hui ! La routine s'est un peu installée, elle me convient sur beaucoup de points, comme elle m'a toujours convenue. J'ai toujours aimé la stabilité d'un quotidien, les repères. J'ai jamais été tellement fan des imprévus. Il y en a toujours et un peu d'aventure n'a jamais fait de mal à personne. Mais j'ai besoin d'une sécurité avant tout. Il me la fournit comme personne avant lui. Ses habitudes me laissent du temps pour moi, et puis le temps qu'on passe ensemble est toujours qualitatif. Cette relation m'a tellement fait grandir ! Avec la confiance, on peut tout accepter sans jamais s'inquiéter. C'est si reposant...

A part cela, ça fera bientôt deux ans que je bosse dans ma boîte. Mais c'est bientôt la fin. Ça ne se passe plus aussi bien qu'au départ, loin s'en faut, et physiquement j'arrive au bout de mes limites, de mes réserves. J'ai des projets de ce côté, la route semble longue et pavée d'obstacles qui me semblent encore un peu trop hauts pour moi. Mais qui sait, peut-être que j'y arriverai. Et si ce n'est pas le cas, j'ai envie d'essayer et j'ai envie de pouvoir me dire que j'aurais essayé.

Pour le reste, ça prend du temps. Je fais mon possible pour relativiser, pour ne pas m'impatienter, pour prendre du recul. Ça me prend beaucoup d'énergie, parce qu'au fond, évidemment que je m'impatiente. Mais je sais qu'on est juste au tout début du chemin, qu'il est parfois extrêmement long. Je sais que ça finira par fonctionner, qu'on y arrivera.

 

 

Mars

Bien des choses ont changé en un mois... Tout s'est arrêté lundi 9 Mars. En une phrase, une conversation, sa main dans la mienne. Dans les larmes et l'incompréhension totale. Je n'avais pas imaginé que nous en soyons là. Que nous ayons pris finalement des chemins qui s'avèrent être si différents, opposés... Je relis les mois passés et constate à quel point il est facile de se voiler la face. On s'était trouvés en ayant le désir profond de se poser. On s'est posés ensemble... Et voilà tout. Les projets nous ont maintenus soudés un temps. La bienveillance aussi. C'était doux et serein. Je sais à présent ce que peut être une relation saine et j'en suis reconnaissante. C'est tout ce qu'il me reste. Un brin de reconnaissance... Je dois repartir à zéro une nouvelle fois. Retrouver un appartement, racheter tous les meubles que j'avais vendus. Tout reconstruire, à commencer par moi. Le timing ne pouvait pas être plus mauvais, avec le confinement qui nous impose une cohabitation continue. Elle se passe bien dans l'ensemble, nous avons conservé une certaine complicité, on arrive à rire ensemble, à rire même de la situation. Je continue à travailler, "heureusement". C'est compliqué là-bas aussi, bien sûr. On est exposés, au contact permanent d'une clientèle à risque et qui nous fait prendre des risques. C'est dur. Environ la moitié de l'équipe de la ligne de caisse a abandonné le navire. Les horaires se sont restreints un peu. L'angoisse est clairement là, mais on continue, faute de choix. Ca me permet au moins de pouvoir sortir et de ne pas passer mes journées entières dans un appartement sans réelle chaleur... 

 

 

Mai

Une fois de plus, beaucoup de changements en bien peu de temps. J'ai déménagé, ou plutôt emménagé, chez un autre. Un autre un peu tombé du ciel. La vie est douce, le temps toujours long en confinement. Le boulot c'est dur, le moral en pâtit dans l'équipe. Mais on tient. Le quotidien se réinvente, je prends mes marques dans mon nouveau couple et ce nouvel appartement. C'est curieux, la vie. Mais c'est chouette aussi.

Ça se casse la gueule, ça n'aura pas duré. Je dois repartir, encore. Chercher, racheter, m'organiser. Faire des cartons. Je suis fatiguée. Fatiguée par la vie qui ne me laisse aucun répit. A peine le temps de souffler, de sortir la tête de l'eau qu'on me l'enfonce de nouveau, que je peine à respirer et à comprendre dans quel sens ça marche, où est la surface. Et quand pour couronner le tout la santé s'y met, ça donne un cocktail détonnant. J'ai fait des examens, j'attends des résultats. Pour savoir enfin, avec précision, quoi, comment, que faire, pourquoi, quand. Rien ne va. En fait c'est ça, absolument rien ne va, je n'ai rien à quoi me raccrocher de concret. Je repars de zéro une nouvelle fois. Je suis fatiguée.

 

 

Août

J'ai emménagé chez moi il y a un mois et demi. Je me sens bien ici, ça me ressemble, c'est bien placé, c'est chez moi. Me sentir chez moi m'avait manqué, avoir un endroit vraiment à moi, que j'aménage comme je le souhaite, avec des repères et des habitudes que je me crée. La vie est assez douce, je suis plus proche que jamais de mes Amis, disponible pour eux. J'ai 3 nouveaux tattoos depuis mi-juin. Puis y a lui, encore un, bon... Je ne sais pas où ça va, ce que c'est vraiment, ce que je ressens exactement, ce que j'espère, ce que je veux. Je n'ai aucune réponse. Tout ce que je sais c'est comment je me sens quand on est ensemble, comme c'est facile et simple et naturel et vrai et bienveillant et tendre. Je n'arrive pas à savoir à quel point ce début d'année et les péripéties qui sont allées avec m'ont abîmée émotionnellement. Je ne sais pas dans quelle mesure je suis capable aujourd'hui de m'investir dans une relation, ni ce que je suis capable de donner ou même de recevoir. Je ne sais pas si je préfère ne pas trop me poser ces questions, rester dans un flou confortable, les sentiments en retrait pour ne pas me ramasser la gueule trop fort si jamais ça foire une fois encore. Je n'ai aucun mot à mettre sur mes sentiments, d'ailleurs. Je n'arrive pas à les analyser, à les comprendre, et je ne suis donc pas certaine d'en avoir envie. Je sais juste que ses yeux sont incroyables, que son sourire me fait fondre, que ses mains sont magiques, que son cerveau me fascine et que j'ai aucun désir de le voir disparaître de ma vie. J'ai vraiment du mal à envisager un quotidien dont il ne fasse pas partie. On prend le temps, on aime beaucoup ce qu'on a actuellement, ce lien si fort et unique, cette alchimie aussi tendre que passionnée. C'est incroyablement rafraîchissant et c'est tout ce qu'il me faut pour le moment. Je crois...

J'avais un rendez-vous chez ma gynéco mercredi prochain. Il vient d'être décalé au jeudi. Le 20 Août. Le 20 Août... J'ai l'impression que l'univers se fout ouvertement de ma gueule. Ça fera six ans cette année. Six années. Ça donne le vertige...

Dans 3 semaines, je suis en vacances. J'irai en Bretagne, si l'univers me lâche un peu le cul et me le permet ! Mes vols ont été annulés, covid oblige. Mais j'irai en tain. Tant pis si c'est 4 fois plus long, je ne peux absolument pas me résoudre à renoncer à ces vacances. Je les attends depuis beaucoup trop longtemps, j'en ai beaucoup trop besoin. Après ce début d'année fracassant dans tous les sens du terme, j'ai besoin d'air, de partir, de voir l'océan, de voir les plages désertes et sublimes, d'être avec ma tante, d'être loin, seule, de prendre ce temps pour moi et moi seule. L'été est long, il fait bien trop chaud pour moi, les gens sont bien trop cons au taf. J'ai tenu tellement plus longtemps que je ne le pensais, dans ce taf... Deux ans et demi le mois prochain. J'y passerai la fin d'année je suppose (m'asseoir sur mon 13e mois après ces mois de calvaire ? Nope) mais j'espère, vraiment, pouvoir le quitter l'année prochaine. Je doute pouvoir supporter encore plus de six mois de mépris constant et systématique. Je hais les gens plus que jamais.

 

 

Septembre

Je suis rentrée aujourd'hui de mon séjour breton. Ca m'a fait un bien fou et j'ai déjà le cafard, coincée dans mon petit appartement après avoir passé une semaine au grand air, sur des plages immenses et désertes. Les premiers jours m'ont apaisée si fort que j'ai eu l'impression d'y être depuis déjà des semaines. Mais les derniers jours sont passés à toute allure et me revoilà dans cette ville bétonnée, où tout va si vite et où tous sont si bêtes. J'étais bien, à l'océan. Loin de tout, dans une bulle de soleil et de senteurs marines, près de ma tante, une des personnes que j'aime le plus au monde. On a tant parlé, de tout. Je me sens si proche d'elle, ça a toujours été le cas. J'ai toujours désiré au plus profond de moi qu'elle soit ma mère. J'ai eu un temps magnifique, je me suis même baignée (bon, trempée serait le mot juste). J'ai multiplié les balades sur la plage en solo, ou plutôt en duo : toujours accompagnée de Ben, le chien de ma tante. J'ai pris des centaines de photos et me suis nourris de milliers d'images qui sont déjà des souvenirs. Oui, j'ai déjà le cafard.

 

 

Décembre

Je passe entre les mailles de cette saleté, pour le moment. C'est quasiment un exploit, étant donné qu'au taf je côtoie près de 2000 personnes par jour. Enfin bref. Dans cinq jours, j'aurai 29 ans. La dernière année avant la trentaine, concept qui me donne déjà des sueurs froides... J'ai commencé récemment à voir une psy. J'ai traversé, à mon retour de vacances et pendant presque deux mois, une sorte de vide abyssal, j'ai eu l'impression de sombrer sans que rien n'ait l'air d'avoir déclenché ce mal-être insondable. Je n'avais plus goût à rien, plus envie de quoique ce soit, les jours passaient sans qu'il ne se passe rien pour moi, en moi. Je n'avais plus envie d'être en vie. Depuis, mes idées se sont un peu éclaircies mais j'ai eu ce besoin de voir quelqu'un. Je n'ai fait que 3 séances pour le moment mais ça me fait du bien. Elle est jeune, très à l'écoute (c'est mieux pour une psy) et très pertinente. Les liens qu'elle fait entre les choses sont aussi évidents que chamboulants pour moi. J'ai l'impression qu'elle ne m'apprend rien de spécial, tout en mettant en lumière des choses qui me bousculent profondément. On a mis le doigt sur les choses qui piquent, sur celles qu'il faut travailler pour que je sorte définitivement de cette torpeur, pour que j'arrive enfin à avancer dans ma vie. A l'aube de mes 29 ans, j'ai un besoin plus viscéral que jamais de faire des choses qui ont du sens et d'avoir, oui, le sentiment d'avancer. Mais pour l'instant et dans ma solitude, ça me parait impossible à réaliser. J'ai besoin d'aide, de pistes à suivre. Tout reste encore assez flou mais il faut que ça bouge.

Ca fait bientôt six mois. La moitié d'une année. C'est assez fou, à chaque fois que je passe une soirée ou une nuit avec lui, j'ai l'impression que c'est la première. Rien ne fane, rien ne stagne, c'est toujours le même plaisir, les mêmes papillons, la même appréhension même parfois. On a une complicité assez sublime. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui me ressemble autant, de par son caractère mais aussi et surtout ses valeurs. Je me rends compte que c'est quelque chose qui devient absolument fondamental pour moi, les valeurs partagées. En somme, c'est toujours aussi doux, mais j'aimerais avoir davantage de certitudes, et pouvoir davantage me projeter. Où est-ce qu'on va ? Qu'est-ce qu'on ressent ? On ne parle jamais de tout cela. On ne se dit jamais vraiment rien, tout en se montrant tout. Je ne sais pas définir cette relation, ni ce qu'il est exactement pour moi, et encore moins ce que je suis hypothétiquement pour lui. J'aimerais y voir plus clair. Peut-être trouverai-je le courage de provoquer cette conversation bientôt. Après les fêtes. J'ai besoin de me raccrocher à ces fêtes de fin d'année, besoin de la douceur qui devrait aller avec, besoin de la légèreté, besoin du bonheur simple. 

Je fume trop. J'ai l'impression que ça fait longtemps que je n'ai pas été heureuse.